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11 octobre 2006

De l'abattoir au cochon

Tous les romans sont des romans d'amour. Presque tous décrivent la lutte du Bien contre le Mal. Le très beau Concerto pour l'Abattoir de Gil Graff ne fait pas exception à cette double règle. L'histoire est dans l'air du temps, des parias promis à une extinction rapide préparée par un gouvernement, mais Gil Graff a un tel sens du récit et de la description de ses personnages qu'on est forcé de vivre, et de mourir, avec eux.

Si la plupart des chiens avaient disparu, quelques petits toutous adorés et pouponnés avaient été emmenés par leurs propriétaires dans la ville nouvelle, malgré l'impôt supplémentaire qui incomberait à leur maître du fait de leur présence. Les autres, abandonnés, avaient erré un temps dans la ville puis étaient retournés à l'état sauvage et, pour l'heure, vivaient en bande dans les campagnes et jouaient à cache-cache avec les fusils des paysans dont ils mettaient à mal cultures et élevages.
Les chats, eux, impénitents citadins, continuaient de hanter la ville et de proliférer, et pour cause : leur nourriture sur pattes était abondante, souris et rats étaient en pleine recrudescence depuis deux ou trois ans.
La mère aux chats était une vieille bique grise de plaques de crasse écailleuses des pieds à la tête, tête affreusement ridée sur laquelle de longues mèches pisseuses et grasses se hérissaient en gros tourbillons qui la faisaient ressembler à une Gorgone.

(…)

A un courant d'air qui lui rafraîchît le bas du dos, il s'aperçut avec confusion que le maillot de bain décidément trop mignard, en plus de lui étrangler le haut des cuisses, ne lui dissimulait pas entièrement la raie des fesses. Pour se l'être souvent miré dans la glace de sa salle de bains, il avait une idée du spectacle grotesque qu'offrait son derrière blême plein de fossettes celluliteuses. Il n'eut plus qu'une envie : se rhabiller, cacher vite ce corps obscène, courir se réfugier chez lui et se le dorloter en engloutissant un maximum de sucreries et de lipides pour se consoler d'être si mal compris.

Les parias seront sauvés par un adolescent capable de transformer les pires salopards en agneaux bienfaisants et de guérir par simple attouchement. Un messie des temps modernes, se sacrifiant pour la liberté. Mais 60 ans après, le Mal risque de revenir.

Il est aussi question du Mal dans la Stratégie du Cochon. De la tradition aussi, chez des adorateurs du cochon, qui séquestrent et engraissent un jeune apprenti journaliste, passant au mauvais endroit au mauvais moment.

Je pense que son choix s'était porté sur celle-là parce qu'elle était la seule à être éveillée : elles avaient dîné depuis peu et les deux autres dormaient, le ventre plein. La grosse sur qui il avait ainsi jeté son dévolu, sans doute surprise alors qu'elle en était encore à choisir la couette où elle se loverait pour la nuit, était immobilisée à croupetons devant le bas-ventre de Riri. Elle est restée un moment sans réaction devant le sexe érigé, puis, machinalement, en ogresse habituée à goûter absolument tout ce qui passe à sa portée, elle a happé la verge dans sa bouche et s'est mise à la téter comme un biberon.

Le journaliste s'enfuira-t-il ? Nous ne le saurons pas. Cela dépend de la présence de la Confrérie, de la Poste aussi.

Philip Roth me pardonnera-t-il ? Après quelques mois d'infidélité, je me plonge de nouveau dans La tache. Qui sommes nous vraiment ? Comment le passé finit-il toujours par se venger ? On ne peut tricher avec son identité.

L.P. de Savy

A lire :

Concerto pour l'Abattoir et La Stratégie du Cochon de Gil Graff, Cylibris Editions ;
La tache de Philip Roth, Gallimard.
 

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